L’Europe rebat les cartes de sa stratégie industrielle autour de l’échéance 2035 qui doit mettre fin à la vente de voitures neuves à moteur thermique. La Commission européenne a engagé un réexamen accéléré du dispositif, sous la pression conjuguée des industriels et des États, avec un débat qui s’étend bien au-delà du climat pour toucher l’emploi, la souveraineté technologique et la compétitivité. Entre craintes de « crash » industriel et nécessité d’accélérer la mutation technologique, la question est simple: un délai constituerait-il un frein ou un appui pour l’auto européenne face à la Chine et aux États-Unis? Les signaux restent contrastés, entre réexamen accéléré par la Commission européenne et appels à la flexibilité venus de Paris et Berlin, sur fond de positions divergentes des États membres. Dans cet entre-deux, les acteurs du marché — de Renault à Volkswagen, de Stellantis à BMW, sans oublier Mercedes-Benz, Peugeot, Citroën, Fiat, Toyota Europe et Ford Europe — ajustent leurs feuilles de route. À l’ère de la révolution numérique du véhicule, où le logiciel, la batterie et les chaînes d’approvisionnement deviennent des enjeux stratégiques, l’arbitrage sur 2035 détermine autant les investissements productifs que la place de l’Europe dans l’écosystème numérique mondial.
Interdiction des moteurs thermiques en 2035 : impacts industriels et clause de revoyure
La trajectoire arrêtée par le pacte vert (neutralité carbone en 2050) prévoit l’arrêt des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035, assorti d’une clause de revoyure anticipée. Les échanges portent sur le périmètre exact (hybrides, e-fuels, utilitaires) et la courbe d’effort des constructeurs. Certains y voient un risque d’accélérer le déclin européen, d’autres un aiguillon indispensable pour rattraper le retard sur les véhicules électriques et le logiciel embarqué. La presse économique a documenté une véritable guerre de tranchées entre lobbies, tandis que des éditorialistes plaident pour un appel à ne pas différer l’échéance. Le débat, très technique, renvoie aux arbitrages de coûts (batterie, électronique), aux chaînes de valeur et à la sécurité d’approvisionnement.
- Calendrier : 2035 confirmé mais en réexamen accéléré.
- Champ : débats sur l’intégration des e-fuels et exceptions techniques, voir calendrier et exceptions techniques.
- Risque industriel : craintes de risque de déclin industriel si l’ajustement est mal rythmé.
- Cadre juridique : le cadre réglementaire de l’UE fixe les objectifs de CO₂ et les étapes.
- Politique : divergences nationales, voir positions divergentes des États membres.
Dans ce contexte, la question clé reste la suivante : retarder, est-ce amortir le choc… ou prolonger l’incertitude qui freine l’investissement?

Compétitivité face à la Chine : frein ou accélérateur pour l’automobile européenne ?
Le cœur du sujet dépasse l’échappement pour toucher le logiciel, la batterie et l’industrialisation frugale. Un retard de calendrier pourrait soulager des bilans à court terme, mais il risquerait aussi d’ouvrir davantage le marché aux constructeurs asiatiques positionnés sur des petites électriques abordables. De Bruxelles émergent des inquiétudes à Bruxelles sur l’alignement des politiques industrielles européennes, alors que la bataille des volumes et des coûts s’intensifie.
- Prix d’accès : impératif de modèles sous les segments B/C pour préserver les volumes en Europe.
- Localisation : relocaliser batteries et électronique pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement.
- Logiciel : passer au véhicule « software-defined » avec mises à jour à distance et services.
- Rythme : le temps réglementaire doit soutenir la montée en cadence, pas l’entraver.
- Concurrence : une confrontation de lobbies masque une course mondiale sur les coûts.
Étude de cas fictive : Automeca, équipementier au carrefour des mutations
Automeca, PME basée en Haute-Savoie, fournit des systèmes de refroidissement. Si l’échéance de 2035 glisse, sa transition vers les modules pour packs batteries se dilue, augmentant le risque d’obsolescence de sa gamme thermique. À l’inverse, un cap clair permet d’investir dans une ligne dédiée aux véhicules électriques, avec à la clé un nouveau contrat européen.
- Problème : carnet de commandes volatil faute de visibilité.
- Solution : plan d’investissement conditionné à un calendrier stable et à des aides ciblées.
- Exemple : réorientation vers l’électronique de puissance avec partenaires locaux.
- Résultat attendu : meilleure insertion dans la chaîne batterie européenne.
- Perspective : tirer parti des fenêtres réglementaires tout en accélérant la montée en compétences.
Moralité opérationnelle : le cap, même exigeant, constitue un repère d’investissement plus robuste qu’un calendrier flottant.
Stratégies des constructeurs : du prix d’appel au véhicule logiciel
Pour rester dans la course, les champions européens doivent marier compétitivité-prix et valorisation logiciel. Plusieurs groupes ajustent leur portefeuille vers des citadines et compacts électriques, en parallèle d’une standardisation des plateformes et d’une intégration verticale des batteries. L’exécutif français plaide pour une flexibilité évoquée par l’exécutif français, mais le signal prix pour le consommateur demeure décisif.
- Renault, Peugeot, Citroën, Fiat et Stellantis : accent sur les petites voitures électriques et les batteries LFP pour abaisser les coûts.
- Volkswagen, BMW, Mercedes-Benz : montée en gamme logicielle, over-the-air et architectures unifiées.
- Toyota Europe et Ford Europe : arbitrage entre hybrides efficients et nouveaux BEV pour couvrir les besoins régionaux.
- Industriel : plateformes multi-énergies rationalisées et usines reconfigurées pour la flexibilité.
- Commercial : offres d’abonnement logiciel et garanties batterie pour sécuriser la valeur résiduelle.
Reste une contrainte : sans modèle à moins de 25 000 euros, l’élasticité de la demande risque d’handicaper les volumes, quel que soit le calendrier réglementaire.
Flexibilité, e-fuels et filets de sécurité : quelles options politiques sans perdre le cap 2035 ?
Une piste convoquée consiste à articuler la cible 2035 avec des mécanismes de flexibilité — pilotage des volumes, niches techniques, accompagnement ciblé. Les scénarios d’ajustement évoquent des corridors d’émissions, des quotas transitoires ou une place encadrée pour les e-fuels. Mais l’alerte du Sénat sur un possible crash rappelle que le financement de la reconversion — compétences, fournisseurs, territoires — doit précéder la bascule.
- Filets sociaux : requalification accélérée des métiers de la mécanique vers l’électro-chimie et l’électronique.
- Capex : guichet d’investissement pour PME-fournisseurs à l’image d’Automeca.
- Transparence : feuille de route claire pour 2026-2030 afin de sécuriser la montée en cadence.
- Coordination UE : alignement industriel et financier, dans un contexte d’inquiétudes à Bruxelles.
- Signal-prix : mécaniques ciblées pour soutenir l’achat de petites électriques sans distordre la concurrence.
Le cap doit rester lisible : une flexibilité qui clarifie et accélère l’investissement, plutôt qu’un délai qui prolongerait l’incertitude et diluerait l’ambition.
Journaliste spécialisée en technologies et innovations économiques, j’analyse les mutations numériques et leur impact sur les entreprises et la société. Après une formation en ingénierie et en journalisme, j’ai collaboré avec plusieurs médias spécialisés, apportant un éclairage précis sur les enjeux technologiques contemporains.

