Des responsables de la CGT tirent la sonnette d’alarme face à la hausse des risques mortels pour les jeunes travailleurs, alors que les temps de présence en entreprise ont été renforcés depuis 2022. Les données les plus récentes confirment la gravité du phénomène : en 2023, l’Assurance-maladie a recensé plus d’un millier de décès liés au travail, dont plusieurs dizaines de mineurs ou de moins de 25 ans, surreprésentés dans les accidents du travail. Ce bilan s’ajoute à un climat social tendu, entre syndicalisme bousculé et restructurations industrielles, où la protection des travailleurs et la sécurité au travail redeviennent des enjeux stratégiques majeurs. L’alerte syndicale vise en particulier les « périodes d’observation » et certaines séquences d’apprentissage non formatrices, pointées pour leurs dérives en tâches d’exécution.
Derrière ces décès évitables se jouent la qualité de l’orientation, la capacité des entreprises à encadrer et l’efficacité des contrôles. Aux côtés d’une réponse réglementaire, l’écosystème numérique offre des leviers concrets : capteurs de proximité, analyses d’incidents, gestion des temps et traçabilité. Reste un défi collectif : replacer la santé au travail au cœur du contrat social, en combinant prévention, culture de sécurité et politiques publiques cohérentes. Cette dynamique, que rappelle la CGT dans ses prises de position, suppose de distinguer l’immersion pédagogique de l’exposition au danger professionnel, et d’arbitrer entre impératifs de production et apprentissage sécurisé.
Jeunes travailleurs et dangers mortels : données clés et signaux faibles à ne pas ignorer
Les moins de 25 ans subissent un risque d’accident supérieur à la moyenne, avec une exposition environ 2,5 fois plus élevée selon les estimations usuelles de l’INRS. En 2023, la sinistralité a inclus des décès de mineurs en formation, y compris durant des « observations » de courte durée. Au total, le bilan annuel en France oscille autour de 750 à 800 morts liés au travail selon le périmètre retenu, un ordre de grandeur documenté par des synthèses récentes sur le bilan des accidents mortels.
- Surreprésentation des jeunes : manque d’expérience, consignes incomplètes et pression de rendement créent un terrain propice aux erreurs.
- Nature des tâches : transformation de l’« observation » en exécution répétitive, avec exposition aux machines et à la manutention.
- Prévention perfectible : défauts d’accueil sécurité, formation trop courte et suivi irrégulier sur sites multiservices.
La réalité matérielle des postes reste centrale : la coactivité, la sous-traitance en cascade et la proximité des équipements augmentent la probabilité d’incidents. À ce titre, l’analyse des risques liés aux machines et une pédagogie claire sur la santé au travail constituent des garde-fous concrets.
Pourquoi les moins de 25 ans paient un tribut disproportionné
Trois ressorts dominent : l’apprentissage des règles (signaux visuels, consignation, EPI), la charge mentale d’un environnement inconnu, et l’assignation à des tâches sous-qualifiées dépourvues de valeur pédagogique. Lorsque l’encadrement n’est pas calibré, les gestes de base deviennent des prises de risque cumulatives.
- Facteurs humains : rotation rapide des encadrants, transmission orale lacunaire, faibles retours d’expérience.
- Organisation : process hétérogènes entre sites, intérim et sous-traitance qui émoussent la chaîne de responsabilité.
- Technologie : outils de signalement d’incident sous-utilisés, absence de capteurs de proximité sur certaines lignes.
Le cœur du sujet reste la conception même des parcours : une immersion n’est pas une main-d’œuvre d’appoint déguisée.

CGT : alerte syndicale sur les stages d’« observation » et l’apprentissage non formateur
Plusieurs dirigeants rappellent que l’entreprise n’est pas un « lieu d’école » par nature : sans cadre pédagogique, l’« observation » glisse vers la tâche d’exécution. Les prises de position publiées dans les actualités de la CGT et sur le site de la confédération demandent l’arrêt des périodes non formatrices et un contrôle renforcé des postes ouverts aux mineurs.
- Encadrement renforcé : binômes tuteur-formateur identifiés, temps dédiés, objectifs pédagogiques tracés.
- Cartographie des risques : exclusion des postes à danger professionnel élevé et validation préalable par l’inspection.
- Traçabilité : livret numérique de progression et droits d’alerte effectifs pour les jeunes.
Ce débat s’inscrit aussi dans un contexte de tensions : une analyse sur la répression antisyndicale et les poursuites visant des responsables soulignent un climat de confrontation. Dans le même temps, la confédération fait remonter d’autres risques, des expositions chimiques aux PFAS, via un signalement sur les « polluants éternels ». La prévention ne peut être « à la carte ».
Régulation et gouvernance : quelles priorités opérationnelles en 2025 ?
Au-delà des annonces, la mise en œuvre repose sur la simplification lisible des procédures et sur un contrôle ciblé des postes exposés. Le projet de simplification du droit du travail devra préserver les garde-fous qui protègent les mineurs. Côté emploi, améliorer les conditions de travail est un levier direct d’insertion, comme le rappellent des travaux récents sur la nécessité d’élever la qualité du travail et d’inclure durablement jeunes et seniors.
- Inspection outillée : listes de vérification numériques, priorisation par risque, retour d’expérience partagé.
- Dialogue social : protocoles d’accueil sécurité négociés, droits de retrait clarifiés, reporting trimestriel.
- Transparence : indicateurs publics sur accidents impliquant des mineurs, par secteur et par type de tâche.
Sans gouvernance robuste et métriques simples, la prévention reste théorique et les risques mortels perdurent.
Sécurité au travail : technologies utiles et culture de prévention à l’ère de la mutation
La « révolution numérique » ne vaut que si elle réduit l’exposition au risque. Capteurs de proximité, verrouillage intelligent, check-lists vocales, simulation 3D : ces briques limitent l’erreur humaine et favorisent la remontée d’incidents. Les outils de conformité RH, tels que la gestion des temps et plannings, peuvent aussi encadrer les horaires et l’affectation des jeunes sur des postes autorisés uniquement.
- Prévention augmentée : EPI connectés, capteurs d’arrêt d’urgence, géorepérage des zones interdites.
- Pédagogie active : micro-apprentissages, jumeaux numériques pour répéter les gestes sans danger.
- Retour d’expérience : plateformes anonymisées de signalement et d’analyse des presqu’accidents.
Cas d’école : de l’atelier auto à la chaîne logistique
Exemple typique : l’apprenti placé des semaines à « dévisser des pneus ». En pratique, la tâche doit être fractionnée en séquences d’apprentissage avec validation de compétences, consignation systématique de l’outillage et interdiction de zones à risque sans supervision. Sur une plateforme logistique, l’implantation de capteurs anti-collision et de parcours piétons balisés réduit significativement l’exposition aux chariots.
- Checklist dynamique : avant démarrage, contrôle de la consignation et de l’ergonomie du poste.
- Mentorat calibré : ratio tutorat/jeune plafonné, temps d’accompagnement documenté.
- Indicateurs : taux de presqu’accidents, écarts d’EPI, écarts de temps de pause.
Ces approches transforment la prévention en pratique quotidienne, alignée sur les enjeux stratégiques de continuité opérationnelle.
Climat social, plans sociaux et confiance : un contexte qui pèse sur la prévention
Les restructurations et l’intensification du travail créent des zones de fragilité. La CGT alerte sur une « saignée » industrielle, illustrée par des dossiers emblématiques, comme les plans sociaux récents. À cela s’ajoutent des tensions politiques et juridiques, de l’offensive idéologique aux controverses internes et externes (gouvernance contestée, enquêtes financières). Or la prévention exige un socle de confiance et de clarté dans les responsabilités.
- Risque organisationnel : sous-effectifs et intérim accru dégradent la supervision des jeunes.
- Risque psychosocial : stress, isolement, silences organisationnels favorisent l’accident, comme le rappelle l’analyse des troubles psychiques au travail.
- Capacité d’arbitrage : en période de transformation, réaffirmer les priorités de protection des travailleurs est décisif.
Fil conducteur : Aïssa, 17 ans, et la chaîne de sécurité
Aïssa, élève de 1re en voie pro, arrive en atelier logistique pour deux semaines. Son parcours sécurisé : accueil sécurité de 90 minutes, casque et gilets vérifiés, zones interdites géolocalisées, tâche progressive (picking sans machine, puis lecture de consignes, puis traversées accompagnées). Chaque fin de poste, un tuteur enregistre l’avancée et les écarts. Sans cet enchaînement précis, l’« observation » serait devenue une prise de risque.
- Avant : évaluation du poste et exclusion des opérations à cinématique dangereuse.
- Pendant : supervision continue et pauses planifiées via outils RH.
- Après : retour d’expérience partagé, intégration des signalements anonymes.
Ce scénario montre que la prévention efficace est une architecture, pas une intention. Elle prend sens lorsque les règles écrites deviennent des routines concrètes sur le terrain.
Journaliste spécialisée en technologies et innovations économiques, j’analyse les mutations numériques et leur impact sur les entreprises et la société. Après une formation en ingénierie et en journalisme, j’ai collaboré avec plusieurs médias spécialisés, apportant un éclairage précis sur les enjeux technologiques contemporains.

